L’invité du mois : Etienne Pourbaix, de Skywin

Pour ce premier Salon du Bourget depuis quatre ans, après une pause imposée par le Covid, il était naturel de donner la parole au directeur du pôle Skywin pour un état des lieux du secteur, ou plutôt des secteurs. Malgré les incertitudes découlant de la situation géopolitique, Etienne Pourbaix se montre rigoureusement optimiste. Et jette un regard confiant sur un futur teinté de décarbonation. Une décarbonation tout simplement inévitable, et pour laquelle les entreprises wallonnes sont prêtes, notamment à travers le projet Wings…

Comment se porte le secteur aéronautique en Wallonie ?

Je préfère parler de secteurs au pluriel. Même si l’aéro est évidemment le plus important, les secteurs du spatial, des drones et de la défense sont également essentiels dans la stratégie générale du pôle. Au niveau du secteur aéro, on note une reprise après l’effondrement dû au Covid. Pour le transport aérien de passagers, nous reviendrons en 2023 aux chiffres de 2019. La reprise est particulièrement forte sur les courts et moyens courriers.

Au niveau industriel, je pressens plusieurs importantes annonces au Bourget pour les entreprises wallonnes. Les carnets de commandes sont largement remplis. Notamment chez Airbus, qui présente des ambitions très fortes : rien que dans la famille des A320 – A321, ils prévoient de produire fin 2024 soixante-cinq avions par mois, et septante-cinq fin 2026… Presque trois avions par jours. Ces chiffres sont réellement impressionnants, surtout que le principe est lancé pour plusieurs années…

Un optimisme qui pourrait être gâché par la situation géopolitique ?

C’est très positif, oui. Malheureusement, il faut effectivement mettre en opposition à ces bonnes nouvelles les inquiétudes qui continuent à exister sur les potentielles conséquences géopolitiques de ce qui se passe en Ukraine et peut-être bientôt en Chine, autour de la situation de Taiwan. Pour la situation ukrainienne, on voit déjà les effets sur le trafic vers l’Asie : on assiste à énormément de détours pour éviter les zones de conflits, donc évidemment les vols sont plus longs… Et les compagnies aériennes doivent assumer les surcoûts. Mais bon, nous sommes plutôt dans une phase positive.

Une phase positive, avec d’énormes défis…

Au niveau de l'industrie, les challenges sont énormes, oui. Il y a évidemment, et c'est logique, la forte exigence sociétale qui perdure sur le climat et donc le besoin d'aller très vite dans le développement d'une aviation décarbonée, ce qui nécessite de très, très gros investissements en R&D.

Ce besoin fondamental signifie qu'il faut faire rentrer dans la filière aéronautique des nouveaux acteurs plus pertinents dans le monde de l'énergie. Que ce soient des acteurs de l'énergie électrique, de l'énergie des carburants… Voire de l'hydrogène pour l'étape suivante.

Et il y a évidemment la remontée en puissance des chaînes de production qui nécessitent des engagements et des formations très importantes. C'est un vrai challenge de trouver des personnes qualifiées.

Enfin, il y a encore un autre problème fondamental, ce sont des difficultés potentielles d'approvisionnement, notamment sur certains types d’alliages comme le titane, ou d’autres alliages spéciaux. Ainsi que les composants électroniques puisque les avions deviennent de plus en plus électriques.

Malgré ces difficultés, le marché redémarre…

Au Bourget, on va avoir un certain nombre de commandes qui vont être annoncées pour la nouvelle génération d'avions. On voit que les compagnies sont demandeuses d'aller très vite dans l'acquisition de nouveaux avions plus économes dans leur consommation de carburant et forcément avec des impacts CO2 et NOX beaucoup plus faibles. Mais ça veut dire que, effectivement, il y a une pression qui est devenue redevenue très forte sur le secteur industriel pour produire rapidement un certain nombre d’éléments, ce qui implique des conséquences à la fois au niveau fourniture de supply chains et de personnel disponible. C’est très positif, mais il faut tenir le choc

Les membres de Skywin tiennent le choc ?

Les membres de Skywin tiennent le choc, oui, pour le moment. Grâce au soutien à la fois des gouvernements fédéral et régional pendant la crise du Covid, ils ont pu absorber le choc en ne licenciant pas trop de personnes, même s’il y a quand même eu à peu près 15% de pertes de personnel global sur le secteur. C’est triste pour les personnes licenciées mais 15%, par rapport à la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient, cela reste un choc limité.

Mais maintenant, nos entreprises aéronautiques devraient redevenir dans des capacités de production quasiment équivalentes à ce qu'elles avaient avant le Covid. Donc il faut remonter cette courbe d'effectifs, ce qui n'est ce qui n'est pas simple. L’Europe occidentale et donc la Belgique et la Wallonie en particulier ont pu amortir ce choc par des aides, comme Wings dont nous allons reparler…

Le secteur spatial a mieux traversé la tempête…

Le secteur spatial reste un secteur très important en Wallonie dans lequel il y a une évolution qui est de plus en plus marquée vers le spatial commercial, aussi appelé New Space. Il faut savoir que le gouvernement wallon, à partir de la roadmap que Skywin a coordonnée, a permis de se focaliser sur deux filières prioritaires pour le secteur spatial en Wallonie. Tout d’abord la chaîne de valeur liée à l'observation de la terre. Une chaîne de valeur complète tant upstream que dowmstream, autrement dit tant dans les satellites que le traitement de l'information au sol. Ensuite la chaîne de valeur de lanceurs réutilisables. Donc maintenant les efforts sont vraiment concentrés sur ces deux chaînes de valeur.

L'autre nouvelle importante dans le secteur spatial, c'est bien sûr que le budget fédéral a été augmenté. La participation belge à l'ESA est montée à 305 millions d’euros. C'est quand même considérable, et clairement très positif pour nos entreprises. En outre, il y a eu la sélection par l’ESA d'un astronaute wallon, ce qui est quand même un signal fort, y compris pour le grand public. Nous espérons que cette nomination va créer beaucoup de vocations futures pour le domaine spatial.

Notons également le développement très important d'une des sociétés du secteur spatial, Aerospacelab, qui a pu lever des fonds considérables à la fois privés et publics, mais principalement privés. Et qui a l'ambition de créer une « giga factory » de satellites, avec la production de plus de 400 satellites par an à Charleroi. C'est un acteur qui est parti tout petit et qui va devenir un des acteurs principaux du secteur spatial européen.

Venons-en au Bourget… Avez-vous des attentes particulières après quatre ans d’interruption, l’édition de 2021 ayant été annulée à la suite du Covid ?

Un mot tout d’abord sur la participation… On dénombre 72 participants pour la Belgique dont 53 pour la Wallonie. Et parmi ces 53 participants, 41 sont membres de Skywin. Nous sommes donc au même niveau qu’en 2019, ce qui est déjà une excellente nouvelle en soi. Cela montre que l'enthousiasme et la volonté de s'inscrire dans le secteur aéronautique et spatial restent très fort en Wallonie. Qui s’accompagne d’une vraie volonté de participer. Je remarque un phénomène intéressant : plusieurs entreprises wallonnes, surtout des PME évidemment, se sont rassemblées sur des stands communs – je ne parle pas de l’open space, une initiative que nous avions prise avec l’Awex pour offrir effectivement une possibilité de participer au salon à des acteurs plus petits. Ce n’est pas ça. Plusieurs entreprises se mettent ensemble pour partager un même stand. Pour moi ce principe illustre la volonté de nos entreprises de montrer une image plus ambitieuse, en offrant ensemble des compétences variées sur des espaces communs regroupant jusqu’à cinq ou six entreprises… Il y a au moins deux ou trois initiatives de ce genre cette année…

Il y a cinq ministres belges qui se déplaceront à Paris, ce qui prouve l’intérêt du pouvoir politique belge pour nos secteurs ASD – aéronautique, space, défense. Cinq ministres dont deux fédéraux – Défense et Politique scientifique –, deux wallons – Économie et Aéroports – et le ministre-président flamand.

Un des objectifs principaux de ce Bourget est de créer des liens de plus en plus forts avec des partenaires internationaux…  

Oui, et pour cela nous avons un outil remarquable : le chalet mis à disposition de l’industrie wallonne par l’Agence wallonne à l'Exportation et aux Investissements étrangers – l’Awex –, un chalet particulièrement bien situé au bord des pistes. C’est un outil de marketing et de visibilité extraordinaire, avec la possibilité d’inviter à des déjeuners d’affaires et ainsi se créer ou approfondir des relations.

Skywin utilisera cette infrastructure pour notamment organiser des petits déjeuners thématiques ou organiser des réunions bilatérales. Déjà prévu, un petit déjeuner avec l’industrie québécoise le mardi 20 juin en collaboration avec nos collègues d’Aéro Montréal. Nous allons également accueillir des clusters français – Astech (Paris), Altytud (Hauts-de-France), NAE (Normandie) – sur nos stands. De plus, nous allons signer un MOU avec le cluster Aerospace Valley, le jeudi 22. Aerospace Valley, c’est Bordeaux et Toulouse, donc là où se passe l’essentiel de l’activité aérospatiale en Europe. C’est d’ailleurs le plus grand cluster européen. Nous avons des liens avec eux depuis de nombreuses années, mais nous souhaitons approfondir significativement la collaboration, notamment en montant des projets bilatéraux et en développant ensemble des événements autour de l’aviation décarbonée. Nous avons remarqué que plusieurs PME wallonnes, par ailleurs membres de Skywin, disposaient également d’une implantation en Nouvelle Aquitaine ou en Occitanie et étaient membres d’Aerospace Valley. Quatre ou cinq entreprises sont dans ce cas de figure. Ce sont évidemment des relais privilégiés…

Il faut savoir aussi qu’avec Aerospace Valley nous travaillons de concert sur la roadmap que nous sommes en train de réaliser pour le secteur aérien en Wallonie, une mission que le gouvernement wallon nous a confiée.

On a pu, grâce à cette collaboration avec Aerospace Valley, qui va se formaliser donc par une signature officielle mais qui est déjà active, avoir des informations plus sensibles, notamment chez Airbus, pour envisager les visions stratégiques sur cette aviation décarbonée et sur les opportunités qu’elle pourrait créer pour l’industrie wallonne…

Nous allons avoir également une rencontre avec l’industrie brésilienne, grâce à l’action de conseiller économique et commercial (CEC) de l’Awex sur place, l’extrêmement dynamique Rodrigo Dos Santos.

Est-ce que le projet Wings sera présenté au Bourget ?

Je voudrais effectivement souligner la visibilité du projet Wings, pour « Walloon Innovations for Green Skies », le projet que le gouvernement wallon a décidé de mettre en place au début de la crise du Covid pour permettre aux activités de R&D des entreprises et centres de recherches wallons actifs dans l’aéro de maintenir une activité. Ce soutien massif du gouvernement concernait 21 acteurs développant de la R&D. Ce projet atteignait quand même les 120 millions d’euros dont plus de 85 de subsides publics. L’objectif était clair : développer des activités R&D pour préparer l'aviation décarbonée et ainsi anticiper l'aviation du futur, avec l'ambition d'être comme l’Iata l’a proposé totalement décarboné en 2050, et comme Airbus le souhaite avoir un prototype volant en 2035.

Nous nous inscrivons tout à fait dans cette dans cette stratégie européenne. Mais il fallait effectivement montrer que nous voulions y consacrer les moyens. Il y a à peu près 300 ingénieurs en Wallonie qui actuellement travaillent grâce à ce projet Wings sur cette aviation décarbonée, ou en tout cas sur la participation de de l'industrie wallonne à l'aviation décarbonée. Ça fait deux ans à peu près que le projet est réellement sur les rails, et il a eu le « go » du gouvernement wallon pour entrer dans sa deuxième phase, fin de l'année passée. C’était donc le moment de présenter à nos partenaires étrangers à la fois les ambitions que nous voulions affirmer avec ce projet et les résultats déjà acquis. Il y aura donc un petit déjeuner qui sera entièrement consacré à Wings le mercredi 21, durant la journée belge sur le salon. Dix partenaires étrangers seront présents et chaque responsable de WP de Wings viendra présenter donc à la fois les ambitions et les résultats déjà obtenus. Le but est de voir s’il est possible de monter de nouvelles collaborations internationales sur base de ce qui est déjà acquis, que ce soit au niveau européen ou à tout autre niveau.

Le ministre wallon de l'Économie Willy Borsus sera présent et clôturera ce petit déjeuner, vu le rôle essentiel joué par la Wallonie, qui je le rappelle subsidie la plus importante partie du projet. Il faut savoir que Wings a été monté en moins de deux mois, ce qui est quand même exceptionnel pour un projet avec plus de vingt partenaires et quelque 120 millions de budget. Cette efficacité a clairement montré la volonté du gouvernement wallon de soutenir l’industrie wallonne de notre secteur. Il faut s’en réjouir…

Arnaud COLLETTE

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