L’invité du mois : Jean-Christophe Deprez, pour les vingt ans du Cetic

Le Cetic, Centre d'Excellence en Technologies de l'Information et de la Communication, fête tout juste ses vingt ans. C’est l’occasion de revenir en particulier sur les collaborations liées au secteur aéronautique. En fait, les collaborations avec Skywin et ses membres ont commencé dès le démarrage des pôles de compétitivité.

Parmi les activités récentes dans le domaine de l’aéronautique, en collaboration avec Skywin, le Cetic est impliqué dans Artemtec et Wings. Sans oublier son implication dans les drones. Pour revenir sur le parcours du Cetic, son directeur de la recherche et de l'innovation, Jean-Christophe Deprez, est notre invité du mois...

Après ses humanités, le Spadois Jean-Christophe Deprez a des envies d’ailleurs… Et part au début des années 90 pour les États-Unis afin d’y réaliser l’entièreté de son parcours universitaire, en Louisiane. Son domaine ? L’informatique, et plus précisément le génie logiciel, dont le but est de fournir des outils aux programmeurs pour les aider à mieux programmer. 

Ses études terminées, Jean-Christophe Deprez rejoint Pfizer pour un an, avant de retourner sur les bancs de l’université pour une maîtrise et un doctorat. Entretemps, il aura bourlingué un an avec son frère en Afrique, histoire de réfléchir à son avenir… Il devient alors professeur à l’Université de Pace, à New-York. Puis, comme souvent, c’est pour des raisons familiales qu’il rentre au pays, en 2005, avec son épouse et sa petite fille. 

Dès son retour, Jean-Christophe Deprez est engagé au Cetic. Et plonge dans les projets de recherche : « en 2006, nous avons travaillé sur un projet européen dont le but était de mesurer la qualité des logiciels, et plus précisément des logiciels en open source. Par exemple, si une entreprise veut utiliser une brique logicielle en open source dans son propre système, laquelle doit-elle choisir ? Quand dans l’aéronautique une société décide d’utiliser des cadres open source, elle doit se poser de sérieuses questions… La firme AdaCore, qui fournit des suites logicielles de développement dans le secteur spatial, faisait d’ailleurs partie du projet, avec le but de comparer certaines pratiques, de progresser, de s’améliorer. »

Cette époque est également celle du lancement des pôles de compétitivités, initiés par le ministre de l’Économie wallon, Jean-Claude Marcourt. Tout naturellement, le Cetic est impliqué dans divers appels d’offres, essentiellement pour Longistics in Wallonia et Skywin. « Nous travaillions principalement avec Thales. Nous réfléchissions sur des problématiques pour embarquer des capteurs dans des structures aéronautiques et ainsi avoir des retours sur certaines défaillances. En fait, nous faisions déjà de la maintenance prédictive » se souvient Jean-Christophe Deprez.

Cap sur l’IA

Au Cetic, le travail du département en génie logiciel est à l’époque plutôt orienté sur le conseil… « On participait à ces projets pour voir, par rapport à des standards de développement, comment aider les participants, comme par exemple faciliter les certifications, détaille le directeur de la recherche et de l’innovation. Mais maintenant, nous sommes très actifs dans l’intelligence artificielle. On se base sur des statistiques très avancées et on obtient des arbres de décisions, des réseaux de neurones… Parfois ça ressemble plus à une boîte noire ou à de la magie qu’à un algorithme réfléchi. Ce qui pose des problèmes en cas de certification : avec d’autres données, on obtient des résultats tout à fait différents. Ce problème, on ne l’a pas d’emblée perçu au Cetic lors des premiers projets, avant 2010. On réfléchissait surtout des méthodes d’engineering classiques et à améliorer la productivité. Le but restait la certification. » Mais l’IA demeure une part conséquente du travail au Cetic. 

« Dans l’inconscient collectif, poursuit Jean-Christophe Deprez, l’IA permet de reconnaître des images, ou transposer l’oral à l’écrit… On utilise pour cela du deep learning, ou apprentissage profond. Ces programmes imitent le cerveau humain : des espèces de neurones sont interconnectés. Ca marche très bien, mais pour nous l’IA s’applique aussi sur des techniques plus classiques d’arbres de décision. Exemple : une machine présente une série de paramètres qui doivent être ajustés au long d’un parcours. Mais pourquoi prendre telle décision plutôt que telle autre ? C’est très précis… » Le problème est qu’en collectant énormément de données, les chercheurs du Cetic se rendent compte que celles-ci sont incohérentes, et ce pour diverses raisons : un capteur en panne, une désynchronisation des systèmes… Alors ils retournent vers les gens du métier qui sont sur le terrain pour l’analyse. A eux d’interpréter ces données, en collaboration avec les chercheurs évidemment.

On l’aura compris, dans l’IA, l’essentiel est de s’assurer que les bonnes données soient collectées. En fait, l’IA n’est valable que par la qualité des données qu’on lui fournit pour son apprentissage. « Mais à côté de ces données, les algorithmes d’optimisation, conçus par des ingénieurs humains, sont également primordiaux. Par exemple, planifier l’utilisation rationnelle d’une flotte de véhicules : qui va où et quand ? Ou l’optimisation de plannings industriels, qui prend en compte les aléas de production. Autre exemple, vécu : une entreprise a commandé une bobine d’acier avec une certaine qualité à un de nos clients. Durant la production, on se rend compte que cette qualité ne sera pas atteinte. Il a fallu réorienter la bobine vers un autre client intéressé et rétablir la production vers le client initial… » explique Jean-Christophe Deprez, qui revient sur la démarche initiale de conseils du Cetic : « on utilisait les programmes de recherche pour augmenter notre expertise. Les entreprises concevaient elles-mêmes leurs briques technologiques et nous les améliorions. A partir 2012, on a décidé de créer nous-mêmes des briques technologiques qui nous serviraient de base et que nous pourrions transmettre aux entreprises. Mais évidemment une brique développée dans un contexte particulier n’est pas automatiquement applicable à un autre. Tous nos projets de recherche sont menés en étroite collaboration avec des entreprises. »  

Les drones dans le viseur

Une des directions récentes prises par le Cetic concerne les drones… « Nous avons planifié des routes pour une flotte de drones. Leurs trajets sont optimisés quant au temps, la distance, la consommation… Combien de drones pour telle mission et la couverture de tels et tels points. Ce programme peut être également utilisé pour une flotte de véhicules, ou sur une ligne industrielle : quelle tâche effectuer d’abord, sachant que des tâches sont interdépendantes, comment gérer les équipes selon les compétences requises à tel ou tel moment. » La technologie a suivi les conseils, ce qui rend les partenariats encore plus riches… 

Et ces partenariats sont essentiels aux yeux de Jean-Christophe Deprez, qui souligne le problème de la « montée en maturité ». Il part d’une échelle qui vient de la Nasa, la « Technology readiness level ». Selon cette échelle à neuf niveaux, les nouvelles idées, les nouvelles théories éclosent aux deux premiers niveaux, dans les universités. A l’autre bout, les niveaux 7, 8 et 9 concernent la commercialisation des résultats. Entre les deux subsiste la zone de montée en maturité, qui ne concerne plus les universités mais que les entreprises ne veulent pas assumer à cause des risques encourus. « C’est là que se positionnent les centres de recherche comme le Cetic. Si nous travaillons en étroite collaboration avec les entreprises, nous collaborons également avec toutes les universités. Historiquement, nous avons une relation privilégiée avec celles de Mons, Namur et l’UCL, qui sont à l’origine de notre existence, mais nous avons d’importantes collaborations avec l’ULiège et l’ULB. »

Une dernière question : que peut-on souhaiter au Cetic pour son vingtième anniversaire ? « Nous sommes de plus en plus performants. Donc être encore plus performants avec nos partenaires industriels pour les vingt ans à venir… Et relancer les collaborations européennes, mais la balle est dans le camp de la Région wallonne » sourit notre invité. La dynamique est positive… 

Arnaud COLLETTE

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